mercredi 1 février 2012

Nature 77 : la Bassée en danger…


Extraits de IDFE       L i a i s o n  n° 1 4 2      f é v r i e r 2 0 1 2




La plus importante zone humide d'Ile-de-France, située dans la vallée de la Seine, fait l'objet de deux projets d'aménagement. Positions et propositions des associations

 La Bassée est une vaste plaine alluviale inondable, tronçon de la vallée de la Seine en amont de Paris. Elle s’étend de Romilly-sur-Seine en amont (confluence Seine-Aube) à Montereau-Fault-Yonne en aval (confluence Seine-Yonne). Le fond de vallée, large et à faible pente a permis à la Seine de divaguer, formant un chevelu de cours d’eau et un réseau de noues. La faible pente est à l’origine des méandres du fleuve et de ses crues régulières. Cette vaste plaine alluviale est connue pour ses richesses écologiques exceptionnelles et ses ressources naturelles, elle est classée parmi les 87 zones humides d’importance nationale en France. Une réserve naturelle nationale y a été créée en 2002, on y trouve des espèces végétales et d’insectes protégées au niveau national. Mais, aujourd’hui, ce patrimoine est menacé par des projets d’aménagements lourds. Les projets Deux projets importants sont à l’étude : 

 Un projet mené par l’EPTB Seine Grands Lacs visant à créer des zones de stockage de crues (connues sous le vocable “bassines de la Bassée”) en Bassée aval. 


Le principe étant, par ces stockages, de retarder l’onde de crue de la Seine pour laisser passer avant l’onde de crue de l’Yonne, évitant ainsi les effets cumulatifs à l’aval. Un projet de mise à grand gabarit de la Seine, mené par VNF (Voies Navigables de France) de la Grande Bosse, un peu en aval de Bray-sur-Seine à Nogent-sur- Seine. Soit un tronçon de 27 km, pour permettre la navigation de bateaux plus importants : 1 000 t, 2 500 t, 4 000 t, suivant le scénario retenu. VNF privilégie le scénario à 2 500 t. Les deux maîtres d’ouvrage ont saisi la Commission Nationale du Débat Public (CNDP). Chaque projet donne lieu à un débat public. Les deux débats publics, coordonnés et simultanés, se sont terminés le 17 février 2012. Nos positions et propositions Nature Environnement 77 (NE 77) et la Fédération des Associations de Protection de la Vallée de la Seine (FAPVS 77) ont contribué conjointement aux débats publics : cahiers d’acteurs, participations actives aux réunions, questions, demandes d’études indépendantes… 


Interactions entre les deux projets : la neutralité hydraulique des deux projets n’est pas garantie. 

Le projet de “bassines” vise à ralentir l’onde de crue de la Seine pour la décaler de celle de l’Yonne, mais le projet de canal à grand gabarit, en creusant le lit du fleuve, en rectifiant les méandres, en modifiant les berges va accélérer l’écoulement des eaux. Suite à plusieurs demandes, celles de NE 77 et de la FAPVS 77 en particulier, le président des deux débats publics a demandé la mise en place d’une étude hydraulique complémentaire par des experts européens indépendants. 

Le projet de canal à grand gabarit : un projet coûteux et inutile. 

Actuellement, la Seine est navigable dans ce secteur pour des bateaux de 650 t. Ce projet permet seulement d’augmenter la taille des bateaux qui pourront y circuler. Contrairement à d’autres projets de canaux actuellement en étude, celui-ci est en cul de sac. Le trafic sur cette portion de canal est lié actuellement à l’extraction de sables et graviers ainsi qu’aux installations industrielles situées au port de Nogent. Par ailleurs, les prévisions de trafic de VNF sont imprécises, en particulier en ce qui concerne les transports de sables et graviers qui vont devoir cesser dans les années à venir, et VNF n’est pas en mesure d’indiquer le nombre de bateaux qui emprunteront le nouveau tronçon. Il sera faible (quelques bateaux par jours), pour un coût estimé de 214 millions d’euros HT. Les calculs de VNF prévoient 27 000 camions en moins par an, soit une petite centaine de camions en moins par jour à rapprocher des plusieurs milliers de camions par jour qui circulent dans cette région. Dans ce secteur, parallèlement à la Seine, le tronçon de voie ferrée qui était inutilisé depuis plusieurs dizaines d’années vient d’être remis en service. 

Les marchandises et matériaux peuvent donc y circuler à un coût bien moindre ! Les impacts sur les milieux naturels et la biodiversité seraient très importants, les travaux détruiraient directement une quantité significative d’écosystèmes terrestres et aquatiques (flore, faune, habitats, zones de nourrissage et de reproduction, cheminements, nature des sols…). Ces éléments sont confirmés par la Réserve Nationale de la Bassée et par l’ANVL . En Bassée, les équilibres naturels sont très fragiles. Des espèces rares, voire uniques, y subsistent. Impossible de penser qu’un projet d’une telle ampleur ne perturbe pas gravement ces équilibres. La Bassée est une réserve d’eau potable essentielle pour la région Ile-de-France qui risque d’être mise à mal, qualitativement et quantitativement, par ces aménagements gigantesques. Nous sommes bien conscients des avantages du transport fluvial mais les impacts environnementaux et l’aggravation des risques d’inondation pour Montereau, Melun, et toute la région parisienne en cas de crue centennale nous conduisent à déclarer notre opposition totale au projet de mise à grand gabarit. 

 Le projet de “bassines” : incompatible avec la reproduction de la faune aquatique, et risquant d’induire des projets d’urbanisme en zone dangereuse. 

Il est bon de rappeler que cet aménagement est destiné, pour une grande part, à réparer partiellement les erreurs du passé qui, en endiguant la Seine, ont supprimé la zone naturelle d’extension des crues. Ceci entraîne la mise en place d’un dispositif artificiel et coûteux : pompes, vannes, digues. Les pompes sont des équipements lourds à maintenir, le risque de pannes au moment des crues n’est pas exclu. Les digues auront des impacts micro-hydrographiques non négligeables, et si des matériaux recyclés étaient utilisés pour leur construction, aucun protocole de contrôle de ces matériaux, avant utilisation, n’est défini. Des inondations écologiques annuelles de certains casiers sont prévues mais le caractère artificiel du dispositif, à cause des pompes, ne permettra pas de retrouver les frayères anciennes qui permettaient la reproduction des poissons. Mais le risque le plus important (également mis en avant par le Comité de Bassin de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie) est que des élus, des promoteurs, utilisent le prétexte de la réduction du risque d’inondation pour deman- der des révisions des PPRI (nous l’avons entendu lors de réunions du débat public) afin d’autoriser des constructions dans des zones répertoriées actuellement inondables. Dans ce cas nous serions opposés au projet. L’aménagement de la Bassée vise à réduire les risques et dégâts des inondations en Ile-de-France ; sans nous opposer totalement à ce projet, nous demandons des garanties et émettons des réserves.

Bernard Bruneau et Marie Paule Duflot NE 77, ne77@orange.fr

Yvon Dupart FAPVS 77, pdt@fapvs77.org

Sources : NE 77, FAPVS 77, ANVL, Grands Lacs de Seine, VNF, CG 77, AGRENABA, Comité de Bassin Seine-Normandie, CNDP, Google

EPTB : Etablissement Public Territorial de Bassin, ANVL : Association des Naturalistes de la Vallée du Loing, PPRI : Plan